L'Autoportrait de 1908 -une huile sur panneau- m'a été confié pendant l'été 2002, pour l'exposition "Basse-Normandie, Terre d'artistes", réalisée au château de Bénouville, par le neveu du peintre. C'est lors de cet événement que fut révélé le talent indéniable du peintre de Villers-Bocage.
Huet a 22 ans à peine. Élégamment mis, il est pourtant d'une étonnante maigreur. Ses conditions de vie à Paris sont très difficiles; c'est d'ailleurs ce que confirme un billet de son maître, Luc-Olivier Merson, au Conseil Général du Calvados, pour qu'une bourse lui soit accordée.
"Mon élève, René-Ernest HUET est pauvre...".
Le jeune homme cependant semble avoir foi dans l'avenir, parce qu'il est sûr de son art, qu'il a la confiance de son maître, et qu'il continue à remporter prix et autres accessits lors des concours organisés par l'Ecole des beaux-arts.
Dans deux ans, il tentera le Grand Prix de Rome. Malgré un échec relatif (4ème), il continuera de briller et de faire son chemin lors des différents salons auxquels il participera (prix Chenavard, prix d'Attainville, prix Edouard Lemaître, médaille au Salon, ...).
Nous comprenons, lorsque nous regardons, le second Autoportrait, celui réalisé au fusain, que le jeune homme est doué d'un talent inhabituel et qu'il est doté d'une extraordinaire habileté technique. D'une grande sensibilité aussi.
Cette feuille, retrouvée par hasard à l'Hôtel Drouot, provient de la succession de la compagne de Huet, Lucile Charton (1888-1977). Les épaules redressées, fixant du regard le miroir, le jeune artiste veut laisser un témoignage -un talisman, peut-être- à son amie, car il va partir à la guerre, la Grande Guerre qui vient de commencer.
Elle lui sera immédiatement fatale. Il meurt, dans la Somme, dès décembre 1914.