Jean-François Fournel, le 09/12/2019 à 09:33
« Grands et petits trésors du sport aux enchères »
« Un record pourrait être battu dans quelques jours à New York, avec la vente aux enchères du manuscrit d’un célèbre discours du baron de Coubertin. Le texte énonçant les principes de l’olympisme pourrait partir pour 1 million de dollars. Mais le marché des objets sportifs existe aussi en France.
Le 18 décembre, les passionnés d’olympisme auront les yeux rivés vers New York, où un record pourrait tomber. Pas sur un terrain de sport, mais chez Sotheby’s. La maison de vente va mettre aux enchères le fameux discours de Pierre de Coubertin, prononcé en 1892, soit deux ans avant la création du Comité olympique et quatre ans avant les premiers Jeux de l’ère moderne qu’il a organisés à Athènes en 1896.
L’identité du vendeur est tenue secrète. Les quatorze pages rédigées à l’encre brune sont estimées entre 700 000 et 1 million de dollars, Cette somme représente plusieurs années de budget d’acquisition du musée national du sport, à Nice.
Il est donc peu probable que l’établissement s’en porte acquéreur. Belle joueuse, sa directrice Marie Grasse reconnaît que « l’art a un coût, mais pas à cette hauteur-là, d’autant que le musée a d’autres belles pièces de la main de Coubertin ».
Le texte à la teneur un brin grandiloquente, dans la veine de son époque, où le baron parle des jeux comme d’« une œuvre grandiose et bénéfique », lui aurait bien plu pour enrichir ses collections au bénéfice du patrimoine français et des 65 000 visiteurs annuels.
Mais elle s’est fait une raison. « Au mieux, avec une souscription, j’aurais peut-être pu réunir 100 000 €, dit-elle. Je dispose en outre d’une réserve de 400 000 € pour les grandes occasions, mais ça ne sert à rien de lutter à ce niveau. »
« Ce sera sans doute la vente la plus haute de l’histoire », confirme Éric Lefevre, un des trois grands experts français des objets sportifs.
« La plus haute vente de l’histoire »
En France, le marché des enchères se résume à trois experts. Serge Laget, Éric Lefevre, Jean-Marc Leynet travaillent chacun pour un office de commissaires-priseurs qui organise régulièrement des ventes d’objets sportifs. Deux d’entre elles auront lieu à Paris ces prochains jours, les 14 et 21 décembre.
« Nous sommes un marché de niche reconnaît Serge Laget, mais on note un frémissement avec pas moins de deux ventes organisées d’ici Noël à Paris », explique cet ancien documentaliste du journal « L’Équipe » et auteur d’ouvrages de référence sur l’histoire du sport.
Les deux ventes françaises de cette fin d’année seront modestes, en comparaison du million de la vente Coubertin. Elles vont chacune proposer des centaines d’objets valant de 50 € à quelques milliers pour le plus cher. Une médaille d’argent olympique en bobsleigh est estimée à 6 000 €.
Une caverne d’Ali baba pour tous les goûts et les bourses, très éloignée du temple à objet unique, très cher des ventes anglo-saxonnes. « Noël est une période idéale, cela permet à des curieux de s’offrir un petit objet plaisir qui déclenchera peut-être chez eux une vocation de collectionneur », poursuit Serge Laget.
La vente qu’il organise est de facture classique, avec des trophées, des affiches et quelques-uns des objets liés à l’Olympisme qui trouvent le plus facilement preneur : les torches et médailles olympiques.
Ni lui, ni Éric Lefevre ne touchent au marché le plus juteux du secteur, le « memorabilia ». Le terme anglo-saxon désigne les objets ayant appartenu à une idole du sport, de la chanson ou du cinéma. En France, il est la chasse gardée de l’expert Jean-Marc Leynet.
Un faux maillot de Zidane retiré de la vente
Dans le sport, le memorabilia s’applique surtout aux maillots et chaussures. Celles d’Alain Mimoun, vainqueur du marathon olympique de 1956, ont trouvé preneur pour 12 000 € l’an dernier, comme le maillot de Zinedine Zidane porté lors d’un match de poule contre l’Afrique du Sud lors de la Coupe du monde 1998 remportée par les Bleus.
Son prix de vente est publié sur le site de l’expert Jean-Marc Leynet à 6 952 €. Mais ce spécialiste, ancien collaborateur du plus grand collectionneur français d’objets sportifs, le président (décédé) du club de football de Montpellier Louis Nicollin, est tombé dans le piège guettant tous les acteurs de ce marché : le faux.
Sur la foi du vendeur, membre très proche de la famille du joueur selon lui, Jean-Marc Leynet avait mis à prix 20 000 € le maillot censé avoir été porté par Zizou lors de la finale de 1998. L’affaire avait enflammé la toile, avant de se dégonfler quand l’authenticité du maillot s’est révélée douteuse. Le maillot a été précipitamment retiré de la vente.
Celui de Kylian Mbappé lors d’un banal match de championnat la saison dernière (PSG-Bordeaux) semble, lui, bien authentique : on le trouve estimé sur le site de Jean-Marc Leynet pour sa vente à 800 € du 14 décembre.
Les sportifs français font recette
En France, parmi les vedettes des enchères sportives figurent les cyclistes Jacques Anquetil, Raymond Poulidor ou Louison Bobet. Un maillot ayant appartenu à ce dernier a été vendu récemment 8 000 €. Les boxeurs font aussi recette, à l’image des champions du monde Georges Carpentier ou Marcel Cerdan, dont un short est parti pour 6 000 €.
L’objet sportif le plus cher jamais vendu sur le territoire français est une torche ayant enflammé la vasque des Jeux olympiques de Stockholm (1 912), vendue 270 000 €. »
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